Cette année, on est allé en vacances à la campagne. Un jour, je suis allé pêcher à la rivière avec papa, on n'a attrapé aucun poisson mais une autre fois, avec maman, on a ramassé des mûres et on a fait une super bonne tarte. ! Mais ce que j'ai préféré, c'est d'aller à la ferme chercher le lait et les œufs. Sauf qu'un jour, ça a failli mal tourner. C'est un matin et comme d'habitude, je pars avec Fanny à la ferme. C'est ma voisine de la campagne, Fanny, elle a huit ans. Après la grande montée, on prend le chemin à droite jusqu'au bout et on arrive dans la basse-cour. Fanny va à l'étable avec Marthe la fermière et c'est drôlement long parce qu'elle est bavarde, Marthe, et que parfois, il y a d'autres gens qui veulent des œufs et des lapins et des poules...Alors moi, j'attends dehors. Et puis, il faut dire qu'elle me fait un peu peur, Marthe. Elle a des mains rouges et fortes, un bouton sur le menton avec des poils et un jour, je l'ai vu tuer d'un coup le lapin. Je me demande si c'est pas une sorcière.

                       

Il y a plein de choses à voir dans la basse-cour : d'abord, la chienne marron et blanc, presque aussi grande que moi et très gentille, elle adore me lécher la figure. Il y a le tas de fumier aussi, la paille mélangée à toutes les crottes de vaches et de chevaux, ça sent fort mais c'est très utile il paraît. Dans leur coin, il y a les cochons et leurs gros derrières roses  avec les queues en tire-bouchon, à toujours faire " gron-gron ". Plus loin, sous le hangar, il y a le gros tracteur et ses roues immenses, les herses aux grandes dents comme celles d'un dragon pour retourner la terre. J'ai pas le droit de m'approcher c'est trop dangereux, on m'a dit, mais je m'en fiche parce que ce qui m'amuse le plus, c'est les bêtes. Bien sûr, il y a les poules et les poussins,    

             

les canards, deux chèvres mais surtout, le DINDON. Lui, il est vraiment spécial : Il est aussi gros que moi, tout noir, avec des bouts de chair bien rouge qui pendouillent et ballottent sous son bec. Sur sa tête ça lui fait la crête tout de travers. Il a vraiment l'air bête. Et puis, par exemple, les poules, quand on court après, c'est comme les pigeons à Paris, ça s'enfuit, mais lui, il est tellement gros et lourd que je le poursuis et je m'arrête, je le regarde et là, je rigole parce qu'il continue à courir tout peureux et balourd en faisant " Lougouglou ". Alors je l'imite et je repars à toute vitesse. Il panique, le gros froussard ! Je fais ça à chaque fois que je vais à la ferme, j'adore.

         

Enfin, maintenant je le ferai plus. Parce que, ce matin là, je lui cours après, comme j'aime bien et puis, tout à coup, il s'arrête net, il se retourne, il me regarde bien en face avec ses petits yeux ronds et perçants, il  dresse les plumes de sa queue, ça fait une roue, il lance son  "lougouglou" et, là, il attaque ! Lui, le trouillard, le froussard, il fonce sur moi ! Je m enfuis alors il s'arrête, je le regarde, inquiet, et il m'attaque à nouveau , là, il ne s'arrête plus, il me course à toute vitesse avec ses "Lougouglou"  Moi, je cours à toute vitesse, j'ai la trouille, surtout qu'il va de plus en plus vite, qu'il est de plus en plus méchant et je crois bien qu'il est de plus en plus gros. Je cours tout autour du char à foin, il se rapproche, j'ai même pas le temps de monter sur le char … ZZZZIONGGG !

                  

Je glisse sur un caca de canard , c'est affreux, le dindon est sur moi, ça y est ,cette foutue bestiole va me déchiqueter avec son bec pointu, elle va me crever les yeux...  "AU SECOURS !..." J'appelle Fanny, j'appelle la fermière, tant pis si c'est une sorcière, il faut absolument que quelqu'un me sauve. Au moment où le dindon arrive sur moi j'entends la fermière crier " Allez, Marcel, va t'en, laisse-le tranquille. Elle le chasse avec une baguette, le Marcel, en rigolant. " Ca mon petit gars, elle me dit, tu l'as bien cherché, j'ai remarqué ton petit manège, à chaque fois que tu viens, tu le provoques... Il est gentil, Marcel, mais faut pas exagérer. Allez, debout, il aurait pu te faire très mal, tu sais." Oh, oui, ça, je sais. 

 Je sais aussi que maintenant, je le laisserai tranquille, le Marcel.